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dimanche 27 mai 2018

Cinquante ans pour me chercher, le reste de ma vie pour me trouver.

Présentation lors de journée d’échanges sur les interventions éducatives en autisme à la Haute école de travail social et de la santé – EESP, Lausanne le 23 mai 2018

Bonjour à toutes et à tous,

merci de m’accueillir au cours de cette journée d’échange autour de l’autisme.

Comme vous le savez, je suis là pour vous parler de l’AFFA (Association Francophone de Femmes Autistes) d'une part et vous apporter mon témoignage d'Aspergirl d'autre part. Oops, non ! Je ne peux plus utiliser ce terme, il a été
copyrighté, certains n'ont rien d'autre à faire 😂 ! Du coup, j'ai créé mon propre néologisme. Bon, je reprends ma phrase : je vais vous apporter mon témoignage d'Aspieragazza. 

La petite fille dans sa bulle qui s'amusait avec le monde des chiffres et des lettres. Merci à Loha, aspie, qui a su lire dans mon âme et le mettre sous ses crayons.





I En quoi consiste l’AFFA, comment est-elle née, quels sont ses buts ?



Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vais me permettre un petit détour en vous montrant un petit montage que j’ai fait ce week-end (qui se trouve sur la chaîne Youtube dédiée à Yuka, chaîne qui est l’une des extensions de mon blog «S’il te plaît dessine-moi un chien-guide» (cliquer), (NB entre temps je l'ai transféré sur mon ma chaine AspiePsy), blog qui, pour la petite histoire, a récemment eu un petit frère : «S'il te plaît, dessine-moi un chien d'accompagnement pour autiste» (cliquer).

Comme l'homme de ma vie m'a fait un petit film d'une minute, autant le mettre ;-) 







Le montage de 7 minutes que je vous ai concocté est issu de Grey’s Anatomy, série médicale bien connue (je suis fan de séries médicales. C'est certainement en lien avec mon vieux rêve inassouvi de devenir pédiatre. Le moment venu, j’ai en effet renoncé à m’inscrire en fac de médecine en raison de mes énormes troubles exécutifs – non diagnostiqués, je précise –, mais leur effet était bien là : je savais d’avance que je me vautrerais). J’ai beau avoir conscience aujourd’hui que ce n’était pas une voie pour moi, une partie de moi ne l'a pas tout à fait accepté. Je me console en me disant que même si j'avais réussi mes études théoriques, je ne serais jamais parvenue à tenir le rythme lors d’un internat : Mais comment font-ils donc pour ne pas dormir aussi longtemps ? De plus, jamais je n'aurais pu supporter le décès d’enfants. Ceci dit, tout ce qui a trait à la médecine continue de m’intéresser. Je dévore les séries médicales même si bien sûr, ce n'est pas toujours très réaliste... 

Bref, voici des extraits de l'épisode 11 de la série 14. Je vous invite à écouter attentivement  tout le discours du Dr Amanda Bailey qui est devenue une patiente dans cet épisode. Je pense, enfin je l’espère, que vous comprendrez où je veux en venir.  



Je précise que toute ressemblance avec des faits, des personnes existantes ou ayant existé dans des centres de consultation pour autisme est purement fortuite 🤣. 

Pour la petite histoire, ce discours n'est pas dénué de fondement. Le 7 septembre 2016, lors de l’émission médicale 36.9, ce sujet avait été abordé, je l’avais d’ailleurs mis dans mon blog dédié à l’autisme, l’AspiePhonissime (voir ici). 

Voici ce qui avait été dit sur l’infarctus du myocarde : «Les femmes ont une difficulté supplémentaire. Leurs symptômes sont souvent atypiques, très différents de ceux des hommes et banalisés même par leur médecin traitant. Les femmes sont autant victimes d'IDM que les hommes mais comme on a longtemps surestimé le rôle protecteur de leurs hormones et comme Les études cliniques ne portaient que sur les hommes, on passe encore très souvent à côté du diagnostic». 

Ce discours commence à nous être familier ! 

Ce qu’exprime le personnage de Miranda Bailey, au delà du mémo sur les symptômes atypiques chez les femmes et ce qu’elle dit de ses Tocs est tellement vrai ! «Et oui, j’ai un TOC et je n’ai pas honte de le dire ! Mais ce n’est pas mon histoire, ça n’en est qu’une partie ! Et si vous continuez de ne regarder que cette petite partie, si vous cochez la case maladie mentale, et refusez de vous intéresser à autre chose, il y a peu de chance que je reste en vie pour finir intégralement mon histoire !».

Faute de professionnels sachant réactualiser leurs connaissances, ce n’est certes pas du muscle cardiaque que nous allons perdre si on nous refuse l’accès à un bilan complet parce que nous nous retrouvons face à des pro qui ne connaissent que la clinique masculine de l’autisme. En principe, cette méprise ne devrait pas être mortelle. Enfin… sauf si la femme en question finit par se suicider bien entendu (je ne plaisante qu'à moitié, le suicide est un grand risque chez les autistes). 

Les femmes dont le diagnostic aura été écarté à tort, tout comme celles pour qui personne n’y a même songé, subiront des thérapies qui n’en finissent pas, avec pour diagnostic dépression, anxiété généralisée, phobie sociale, anorexie, soit autant de diagnostics qui ne rendant compte que de ce qui existe en périphérie. 

Elles étaient tout de mêmes longues, ces 34 années ininterrompues de suivi médical et 28 ans de psychothérapie, jusqu'à mes 50 ans, à ne me retrouver que face à des pros qui se contentaient de me demander si mange épicé, ou si je suis stressée, pour reprendre l’analogie avec l’examen clinique de Miranda Bailey. Quand le sage désigne la lune l'idiot regarde le doigt !  

Aussi longtemps que les médecins se contenteront de ne traiter que les dommages collatéraux d’un TSA passé inaperçu, les femmes autistes continueront à aller mal, passant d’échec en échec, s’épuiseront dans de vaines tentatives de sur-adaptation. Elles ne seront pas prêtes à désemplir les cabinets médicaux et paieront le prix fort. 

Notre association répond donc à une nécessité. 

En fin 2016, Magali Pignard, bien connue du monde de l’autisme en France, a écrit sur un groupe Facebook qu’elle souhaitait monter une association de femmes autistes et cherchait des collaboratrices pour dialoguer avec les autorités afin de faire avancer la cause.  «Qui me suit ?» avait-elle simplement questionné.

C’est ainsi que j’ai embarqué, avec 4 femmes françaises, dans la création, le 19 septembre 2016, de l’AFFA

Si vous visitez notre site, vous découvrirez de très nombreux témoignages de parcours de vie de nos membres.

Vous pourrez aussi trouver notre rapport d’activité de 2017. 15 mois après la création de notre association, au 4 janvier 2018, nous comptions 65 membres et au-delà de ces membres, il y a une centaine de femmes non diagnostiquées que nous accompagnons dans leur démarche diagnostique de TSA.


Nos axes d’action principaux sont : la sensibilisation sur les spécificités des femmes autistes, l’accompagnement des femmes dans leur démarche diagnostique.

Nous voulons sensibiliser :

1) aux sous-diagnostics chez les filles/femmes autistes.
Nous œuvrons entre autre à :
– la Sensibilisation des centres experts Asperger et Centres de Ressources Autisme sur la problématique de la fille, de la femme et de la mère autiste   
– la Participation au projet d'étude du Pr Mottron et al. sur l'autisme au féminin
– l’Intervention dans des universités pour la sensibilisation de l'autisme au féminin 
– la Contribution au groupe de travail national «Adultes» dans le cadre de l'élaboration du 4ème plan autisme sur le sous-diagnostic des femmes autiste et ses conséquences 
etc.  

2) à la prévention de la violence sexuelle faites sur les filles/femmes autistes :
– Intervention auprès des structures accueillant des filles et de femmes autistes
– Conférences sur les violences sexuelles subies par les filles et les femmes autistes, en institution fou non
– Formation des professionnels du Planning Familial Contribution au groupe national «Adultes» dans le cadre de l'élaboration du plan autisme sur les sous-diagnostic des femmes autistes et ses conséquences
– etc.

Marie Rabatel, notre présidente, œuvre énormément dans cette sensibilisation. Elle est ambassadrice du mouvement vert pomme qui veut attirer l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité d’obtenir une révision des délais de prescriptions légaux qui empêchent bien trop de victimes à porter plainte. Les femmes autistes sont particulièrement vulnérables sur ce plan. Marie a contacté l’association FDFA «Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir» dont la regrettée Maudy Piot, décédée le 25 décembre 2017, fut la présidente fondatrice en 2003.

Elle luttait en France contre la double discrimination dont sont victimes les femmes handicapée. Comme elle le clamait haut et fort : «nous sommes des citoyennes avant tout, le handicap étant dû aux hasard de la vie»


Marie leur apporte des informations sur le fonctionnement spécifique à l'autisme. Elle les rencontrera justement cette semaine à Paris. La FDFA sensibilise les différents professionnels tels que la police, les pompiers, etc. à la première prise en charge des femmes victimes de violences. Le focus sur les femmes autistes depuis le partenariat de l’AFFA se fera sous l’égide de Marie. Durant le 4ème trimestre de cette année, Marie devrait intervenir avec elles.

Une collaboration similaire avec nos centres LAVI serait bienvenue. 

II Il ne me reste plus qu’à vous apporter mon témoignage.

Je suis née et j’ai grandi à Bienne. Dans ce qui m’a été rapporté, j’étais dès ma tendre enfance, ultra sérieuse. J’ai une sœur qui a 16 mois de mois que moi qui était autant charismatique que j’étais mise à l’écart sans comprendre pourquoi. Avec ma famille nucléaire, nous n’avions pas une grande vie sociale, nous passions souvent nos week-end avec nos grands-parents maternels. Parfois, nous venions ici à Lausanne dans la famille de ma tante paternelle qui avait deux enfants respectivement âgés de 10 et 8 ans de plus que moi. Je les aimais beaucoup. Mais l’aîné ne s’intéressait qu’à ma sœur, jouait avec elle et m’ignorait alors que je n’attendais qu’une chose : être intégrée, me sentir digne d'intérêt. 

Lorsque j’étais décrite, c’était toujours par mes différences. Ex. ma tante m'a raconté, une fois devenue adulte, que quand ma sœur provoquait un rire après avoir raconté une blague, je répétais la même blague espérant obtenir la même réaction. Bien sûr, je n'obtenais pas les rires escomptés : j'ai retenu que je n'étais pas amusante et ne savais pas raconter des blagues, faire rire. Que «quand c'est moi qui fais, ce n'est pas bien». 

Lors du diagnostic, en cherchant des témoignages, mes parents étant décédés, ma cousine m’a rappelé que j’avais tendance à serrer les poings très fort (j’ai une photo de ce style à l’école) en riant très mécaniquement, de manière tout sauf naturelle. Quelque chose clochait, ma famille le voyait bien, mais quoi ? De mon côté, j'ai très vite compris que j'étais différente. 

Il y avait ce avec quoi j’étais très rigide. De plus, j’avais de nombreuses peurs. 

J'ai été propre très vite, mon père a relié cela, et je pense qu’il avait raison, à ce que je détestais être mouillée. Cela implique l’utilisation rapide du pot. En parlant du pot, je n'étais pas compliquée du tout, toujours prête à simplifier la vie de mes parents… je refusais avec la dernière énergie de me servir d’autres pots que le mien ou d’être portée sur les wc. Suite à un énorme blocage de ma part et un départ précipité de chez mes grands-parents, mes parents ont pris la résolution,  et ils ont bien dû cacher leur joie 😅 de transbahuter mon pot partout, pot qui, pour la petite histoire, était plutôt volumineux aux dires de ma mère. J'en avait parlé à une psychiatre spé de l’autisme pour qui ce genre détail était très précieux et parlant. 

J’avais de très nombreuses peurs, notamment des escaliers ouverts. Ah, ces escaliers rouges de l'ABM à Bienne ! À 10 ans, je ne bougeais pas un orteil devant lui si ma mère ne me donnait pas la main. Parfois elle oubliait, et devait remonter pour me chercher. Il y avait les escaliers en colimaçon, les escaliers ouverts entre les marches (je n’aime toujours pas), les des portes tournantes (je n’aime toujours pas mais maintenant Yuka me fournit une bonne excuse, c’est peu pratique avec un chien-guide). 

D’ailleurs, j’ouvre une petite parenthèse, pour la petite histoire, ma déficience visuelle me fournit une autre excuse en béton armé pour ma paraphernalia (Je reconnais les gens grâce à des détails. Ce n'est pas une vraie prosopagnosie car je ne suis pas totalement incapable de reconnaître des visages : je reconnais les visages de ma famille, de mes amis, de certaines personnes célèbres si je peux les regarder suffisamment de près). C'est avec des nouvelles personnes ou des gens du quotidien que je croise hors du contexte habituel, surtout si elles sont habillées différemment que d'habitude que cela se corse car je ne trouve pas toujours des détails qui m'aident .. Ahhh les habits tout un poème ! C'est à cela que je reconnais les personnages incarnés par des acteurs que je ne connais pas dans un film. Combien de fois n'ai-je pas dérangé ma famille réunie derrière la TV  : «c'est qui celui-là, qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi il dit ça ?» Tout simplement parce que je n'arrivais pas à déterminer qui était qui. Je m'aperçois que je parle de ce problème au passé, comme s'il était résolu. Que nenni : je continue à ramer. La guerre des étoiles avec moi c'est mort et ceci même avec une audio-description.  

Du coup vous comprendrez que parfois ça m'arrange qu'on attribue mon incapacité à reconnaître une personne même lorsqu'elle est droit devant moi, à ma vue. 

Excuse impossible pour le coup, auprès d'un ophtalmologue qui doit me faire une tonométrie 👀 Il doit se placer à quelques centimètres de moi pour mesurer ma pression intraoculaire et sait que je peux le voir donc le reconnaître.. Que je vous raconte. Je ne vais pas vous parler de mon ophtalmologue en ville, je sais encore avec qui j'ai rdv, c'est la bonne nouvelle du jour 👌. Mais de ce qui s'est passé lorsque je suis allé un en milieu hospitalier pour une courbe journalière. Ce jour là j'ai eu le même médecin pour mes 3 premiers rdv. La 4ème fois... tadaa le médecin était fringué autrement. Pas de blouse blanche 🤔 Hum hum : était-ce le même que celui que j'avais vu à l'aube, à midi, en début d'après-midi et il a eu envie, soyons fous, de virer sa blouse blanche ? Était-ce un autre toubib ? L'histoire ne nous le dit pas car je n'ai pas osé poser la question... Je vous laisse imaginer ma gêne, – je n'étais pas encore diagnostiquée aspie et ce symptôme n'avait jamais été verbalisé ... J'étais donc stressée durant toute cette dernière consultation, car je devais soigneusement éviter d'aborder les sujets dont il avait été question durant les 3 premières fois ne sachant pas s'il saurait de quoi il retournerait ou non. Soit il penserait que j'avais perdu tous mes neurones et oublié que le sujet avait déjà été évoqué dans la journée 🙈, soit il ne comprendrait pas le sens de mes propos si je ne lui livrais pas les informations nécessaires selon que je décide de donner des précisons ou pas et que j'aie affaire au même toubib ou pas. 

Je reviens à mon enfance. 

J’avais pas mal d’auto-stimulations, des tics, mais ma mère en avait honte, me disant, «ça c’est pas normal !» donc j’ai dû apprendre à les cacher lorsque je ne pouvais pas m'en empêcher (exemple serrer très fort mes poings sous la table). J’allais fréquemment, et cela jusqu’à assez tard, sur la balançoire devant la maison, ce qui dérangeait tout autant ma mère car j'avais passé l'âge habituel. J’écoutais la musique en boucle, parfois c’était vraiment juste quelques notes qui me plaisaient, un petit bout de violon au milieu d’une chanson par exemple, et je reculais sans cesse pour réécouter une dizaine de secondes. 

Quand on s’aventurait à jouer avec moi (j’avais un petit minimum de contact sociaux passant souvent par ma sœur du reste, nous étions 3 fratries de 2 dans mon immeuble, avec un jardin), j’étais rigide de chez rigide. ON ne dérogeait PAS avec les règles et ON jouait sérieusement  s'il vous plaît ! Quand on jouait à l’école et que je jouais la prof, ma sœur était supposée vraiment calculer ! Quand nous étions plusieurs, bien sûr, ma sœur adorait modifier les règles, tricher avec les copains, et je protestais avec véhémence, si bien que ma mère me disait de monter – nous étions dans le jardin – parce «tout le monde est d’accord, sauf toi !» J'adoooore l'injustice (cela dit je manquais quand même de souplesse, mais l’injustice me rendait dingue). 

Je prenais tout sérieusement donc si on me demandait de compter lors d'un cache-cache, je comptais, et ne me rendais pas compte que tout le monde s’était barré pour jouer ailleurs sans moi, ce qui ne manquait pas de me blesser. Hélas, j’apprenais mal de mes expériences parce que cela m’est arrivé une tapée de fois. Ma mère me disait que c’était pour rire, qu’il fallait faire comme eux, ce à quoi je répondais que cela ne me venait même pas à l’idée. 

Mon truc, c’était les chiffres. J’ai vite compris la numération, à 3 ans je regardais le saut ski avec mon père non pas par intérêt pour le sport, mais pour lire les dossards à 3 chiffres, classer les sauts selon ce qui était communiqué. Là, c’était un des moments où mes parents étaient fiers de moi. 

Toute personne rencontrée avait droit à mon questionnaire : «quel âge tu as, combien tu mesures, combien tu pèses ?» Plus tard ce fut : «quelle est ta date de naissance ?» Je triais, classifiais.  


J’écrivais, dessinais de manière répétitive, les lettres pas toujours placées dans le bon sens. 


Si vous pouvez lire, je ne me rends pas bien compte, vous verrez des séries de «Denise». Je suis née avec ce prénom que j'ai appris à détester de tout mon cœur. C’était encore un prénom différent totalement passé de mode. J’aurais préféré lorsque j’étais enfant, m’appeler Nicole par exemple, comme ma sœur, c’est nettement plus fréquent pour notre génération et je pense que j’ai confondu cela avec le fait d’être comme les autres et appréciée. Denise était étant synonyme de «pas comme les autres», de rejet pour moi. Ce «pas comme les autres» a bouffé toute ma vie. De plus, les blagues «C’est la D’nise, l’handicapée de la famille», ça va un moment…(ok ils n'étaient pas tous fut' fut' mais à l'époque, ils étaient tout pour moi, ils étaient LA référence, LA norme. Le vilain petit canard familial que je suis en a eu marre et à un moment, à 42 ans, en plein conflit familial, j’ai hellénisé mon prénom à l'état-civil. J'ai une passion pour la Grèce et une camarade grecque lors de mes études en orthophonie, m’avait dit qu’en Grèce, que cela se disait Dionysia et que c'était un prénom apprécié (j’ai appris plus tard que ce sont les filles de bonne famille qui le portent). Je l’ai adopté comme pseudo lorsque j'ai débarqué sur la toile, en 2000, dans un forum pour parents d'enfants hyperactifs et déficitaires d'attention et une amie virtuelle belge que j'ai rencontrée un jour, m’a fait remarquer que cela me va bien mieux que Denise. Elle avait bien raison. Maintenant on me dit souvent que j'ai un beau prénom. Avant on me disait : c'est le prénom de ma grand-mère... sans autre commentaire. En revanche, je suis condamnée à l'épeler. Pourquoi le gens n'aiment-ils pas la mythologie greco-latine je vous le demande ? 🤣 

Mon intérêt pour le langage est arrivé après les chiffres. J’avais une dyslexie phonologique qui m’a donné du fil à retordre.. Cela ne m'a pas empêchée d'adorer le francophonissime, un jeu télévisé qui a commencé en 1969 (il m’a inspiré le nom de mon blog : l’aspiephonissime) et j’admirais Maître Capello avec ces inaltérables «c’est de bon aloi !» ou «si je puis me permettre !» ainsi que le Père Ambroise qui m’a donné envie d’apprendre latin. On me disait fréquemment que ça aide à l’orthographe et à comprendre le sens des mots, ce que j'ai pu constater des années plus tard… J'ai également choisi cette orientation latin-grec suite à ma découverte, en 6ème, de la mythologie greco-latine, devenue un intérêt spécifique. Mon vocabulaire a explosé à ce moment : je suis passionnée d’étymologie. Du coup, écrire «chrysanthème» m’est peu facile que «carotte» ou pire des noms avec la nasale [ɑ̃] à écrire avec «an» ou «en» si je ne peux pas piocher dans un étymon). Plus tard encore je me suis mise au grec moderne que je baragouine un peu. Pas assez bien. Idem pour l'italien. Ce sont mes deux langues vivantes préférées, outre le français, bien sûr.

Vu mon côté archi sérieux, les photos dans mon enfance étaient un vrai calvaire pour moi. Je me faisais sans cesse reprocher d'être non photogénique. Comprenez par là que j'avais un l'air de faire la tronche. C'est encore le cas d'ailleurs... En plus il fallait regarder vers le soleil. Ah ces moments où je me faisais dire de garer les yeux ouverts ! (j'ouvre encore une parenthèse parce que cela peut s'avérer précieux comme information, c’est difficile dans mon cas d'attribuer ma photophobie à la déficience visuelle ou à la sensibilité autistique. Les verres que je porte ne sont pas des lunettes de soleil, ni des filtres spécifiques au malvoyants comme j'avais auparavant. Ce sont des filtres Irlen. J’ai la chance que mon opticienne spécialisée en basses vision, qui me suivait, ait soudain entendu parler du syndrome d'Irlen, s'y forme et devienne compétente maintenant pour le diagnostiquer et prescrire des verres filtrants adéquats, un vrai kit de survie pour une personne ayant ce syndrome). Je ferme cette parenthèse sachant que cela vaudrait le peine d'aborder plus en détail le sujet du syndrome d'Irlen. Je reviens sur l'épreuve des photos. Ma mère qui désirait me voir avec le smile a décidé de me donner un cours inédit : «apprendre à sourire sur les photos en 10 leçons». Elle n'a pas lésiné sur les moyens, me donnant des indications précises : «tu lèves un peu le coin des lèvres, tu entr'ouvres un tout petit peu les lèvres, on doit voir un tout petit peu tes dents… mais pas trop...» instruction que bien sûr j’essayais en bon soldat d’appliquer à la lettre. Ceci m'a permis de faire le buzz quand un photographe est passé dans ma classe de première année primaire pour nous prendre un à un en photo derrière un pupitre, un cahier devant nous et un crayon en main. Arrive mon tour. Je m'installe et voilà t'y pas, qu'il m’a demandé de... sourire ! Et il insiste, le bougre ! Ma réponse ne s'est pas fait attendre : «Mais je souris, ma maman m’a dit de sourire comme ça !». Je ne me rappelle pas de la réaction exacte, mais je me doute qu’il a dû être interloqué :)


J’ai rencontré mon premier psy à 6 ans lorsque ma jardinière d’enfant m’y a envoyée, ne me sentant pas prête à entrer en première année, car j’étais trop sensible et trop dans mon monde J’ai eu ses explications sensibles plus tard, à 22 ans, en stage chez elle. L'explication fournie par ma mère sur cette fameuse première année en deux ans, en classe de développement, fut plus abrupte et tomba au plus mauvais moment... 

Ce fut en début de 4ème année primaire, classe décisive pour entrer à l'école secondaire. J'étais supposé entrer sans examen, faisant partie des premiers de la classe. Ma mère me disait souvent que si je n'étais pas si étourdie, je n'aurais que des 6. Elle m'a expliqué, ce jour là que mon institutrice était contente de moi, qu'elle voyait que j'aimais beaucoup apprendre. Cela commençait bien. La suite a moins bien passé. Elle a enfin accepté de répondre à ma question : pourquoi ai-je dû faire deux ans de première année primaire ? Utilisant un mot qui est mal passé : «Tu étais retardée... Tu étais retardée mais en avance intellectuellement, ce n'est pas ton intelligence qui était touchée, mais ton développement, tu faisais bébé». Cela m'a achevée. Le peu de confiance en moi, que j'avais éventuellement su conserver, s'est évaporé à cet instant. «Ah, c'est pour ça qu'on me rejetait ! Je suis retardée, pas comme les autres !»

Moi qui aimais les chiffres, connaissais les âges de tout le monde, je suis devenue encore plus obsédée par eux. Je suis plus âgée qu'untel, je dois savoir ce qu'il ne sait pas.  

Nous étions en septembre 1975, à quelques jours de mes 11 ans. Cette révélation ne fut pas la seule à me bouleverser. Il y a eu une injustice en classe. Mon instit' m'a soupçonnée d'avoir copié sur ma camarde de classe en pleine épreuve de maths. Jamais, je n'avais triché. Et s'il y avait un domaine où je n'avais vraiment pas besoin de le faire, c'était bien en maths. En l'écrivant je suis encore en colère contre cette instit' pas foutue de m'écouter et de me croire. Je m'étais penchée sur ma camarade pour récupérer ma gomme qu'elle m'avait empruntée et placée hors de mon atteinte, à sa gauche. J'ai eu beau me défendre, elle m'a sucré un point. J'ai perdu toute concentration et je me suis retrouvée avec un 1. Horreur jamais je n'avais eu de note aussi basse. Une semaine plus tard, j'ai récolté cette note une deuxième fois, en dictée. Les jeux étaient faits. J'étais déconnectée. J'ai glissé seule dans les pentes savonneuse de ma première vraie dépression. Personne n'a compris quoi que ce soit. Il m'est devenu impossible de faire mes devoirs. Un jour, à 22h, j'étais encore debout à essayer d'apprendre une malheureuse page de vocabulaire. En larmes. Une discussion avec mes parents, et cette fois, ma mère a su quoi faire. Une idée de génie : en plus de me demander un effort pour me ressaisir, elle a décidé de me donner la récompense en avance, évoquant la fois où j'avais comptabilisé 100 fois la note 6 dans mon carnet et que cela m'avait valu de recevoir 6 francs. Elle me les a donné de suite. Pour moi c'était la preuve indéniable qu'elle m'accordait toute sa confiance. Je suis sortie de ma torpeur. Hélas, trop tard pour pouvoir entrer sans examen à l'école secondaire en dépit d'une remontée spectaculaire. J'étais septième de ma classe, et seuls 5 élèves purent entrer ainsi. J'ai dû me présenter à l'examen et deux ont réussi. Normalement, j'aurais dû être la deuxième. J'ai échoué d'un cheveu alors que dans les exercices préparatoires, j'avais 6 en maths et en grammaire. Pour moi, ce fut un choc très violent. Je voulais tellement aller en secondaire. 

L’année suivante, début 1976, les choses ont changé. Drastiquement. J’ai connu le pire harcèlement que je n'avais jamais connu en classe. Comble de malheur, bien qu'ayant un super instituteur, ce dernier se formait pour pouvoir travailler avec des enfants handicapés. Je trouvais cela admirable mais pour moi c'était pas du tout une bonne chose, car sa classe était tenue assez souvent par une sorcière qui me détestait : ma maîtresse d'ouvrages (ou travaux manuels). Elle croyait que je faisais exprès d''être maladroite pour l'ennuyer ! Quelle idiote ! Elle était encore pire que les élèves qui me harcelaient et les encourageait. Mon instituteur de son côté ne laissait pas passer. Il demandait des comptes, voulait qu'on en parle en classe, demandait pourquoi personne ne voulait se travailler avec moi lorsque nous devions nous mettre en groupe. Il forçait le dialogue. Sur le moment, c’était douloureux, parce que cela attirait l’attention sur ma différence, c'était moi qui étais rejetée, moi qui avait un problème. Cela mettait le doigt là où j'avais mal. Je ne voulais pas qu'on sache ce que je vivais (ou plutôt j'avais appris à ne vouloir que l'on se sache que j'étais celle qui, dans un groupe, était mise de côté, preuve irréfutable que je suis nulle. Ceci car par le passé, j'étais encore plus accablée lorsque je disais ce qu'on m'avait fait pour avoir entendu un peu trop de fois : «c'est de ta faute, tu n'es pas comme les autres !». En parler me donnait la preuve que ce que me disait ma mère était vrai, en quelque sorte. Mais cette année là c’était allé bien trop loin, il fallait agir et il l'a fait. Cela dit, si je remets les choses dans le contexte d'aujourd'hui, avec ce que vivent actuellement certains enfants et adolescents harcelés, je suis loin d'avoir subi des violences verbales et/ou physiques aussi extrêmes. Je suis vraiment effrayée de ce que certains sont capables de faire subir à leur camarade et que des enseignants se permettent encore de décréter lorsqu'ils sont au courant que ce sont des histoires de gamins, qu'ils doivent les régler entre eux. On sait les dégâts que cela cause, d'une estime de soi définitivement flinguée pour ces adultes en devenir, jusqu'au suicide de ceux qui ne peuvent plus faire face. Comment des adultes peuvent-ils fermer les yeux lorsqu'ils savent les risques qu'encoure un élève harcelé ? 

Toujours est-il, si je reviens à cette fameuse année scolaire, que j’ai fini par décider de retenter l’examen d’entrée à l’école secondaire. Ce n'était plus par amour de l’école, – j'avais été dégoûtée par les trop nombreuses injustices vécues ces deux années successives –, mais je voulais être sûre d'échapper à cette classe. C'était le moyen le plus sûr d'en changer. 

Mais en cas de réussite, cela impliquait pour moi de reperdre une année scolaire : j'entrerais en 5ème année secondaire et cela renforcerait mon complexe d'avoir du retard. Ce serait comme si j'avais doublé deux fois. Mes parents étaient contre. Mais j'ai eu un allié. Mon fameux instituteur à qui je pense avec plein de reconnaissance. Il a débarqué un samedi chez mes parents sans prévenir et a plaidé ma cause : il fallait me laisser me présenter à cet examen, parce que j'en étais tout à fait capable. Et j'ai réussi. 

Dans cette nouvelle classe, j'ai immédiatement cartonné. J’ai aussi été mieux intégrée. En fait, j'amusais mes camarades qui aimaient me taquiner mais ce n'était pas dans le but de me blesser. Je suis devenue première de classe, j’ai eu des prix de promotion. Mais je trouvais cela super normal puisque j’étais la plus âgée de la classe et que j'étais donc supposé avoir de l'avance. 

Vous avez compris, j’étais toujours aux prises avec le discours familial, souvent maternel, et les critiques que je me prenais sans cesse. Je les avais fait miennes et me les adressais sans cesse. Chaque fois que j’essuyais une critique ou un nouveau reproche, c'était pris très à cœur. C'est encore le cas, du reste. Je ressens physiquement un violent coup au thorax et mon énergie s'effondre. La honte et Loa peur du ridicule m'ont toujours accompagnée. 

Je continuais à prendre très cher au niveau complexes, et d’ailleurs je me suis mise à calculer compulsivement mes moyennes dans toutes les matières pour tenter de rester première de classe. Sinon ce serait la preuve absolue que j’étais nulle puisque j'étais la plus âgée. Preuve que j’ai fini par avoir l’année suivante, certaines matières qui demandaient une forte mémorisation (comme la géo et l'histoire) ont commencé à me poser plus de problèmes. J’ai commencé à être dépassée en terme d’organisation mais mes résultats étaient encore honorables, voire même excellents. En maths, je n'avais aucun travail à faire à la maison et j'adorais les langues (même si le vocabulaire et moi ne sommes pas très amis dans les langues étrangères). De plus, il fallait commencer à s'autonomiser et prendre des notes de cours. J’en étais totalement incapable (cela a continué en Fac je dépendais des notes des copains, jusqu'à ce que je m'invente une sténo personnelle. Hélas, je n'avais pas d'ordinateur. Vous me direz, personne n'avait d'ordinateur potable à l'époque...). 

Cela étant, au-delà de ce que je ressentais à l’intérieur, j’ai commencé à me bâtir une réputation d’intello. Je l’ai préférée à celle que j’avais eu auparavant. Au moins, on parlait de ce que je réussissais plutôt bien à faire. Mes camarades étaient amusés, me dessinaient avec des pensées bulles me montrant en train de faire des calculs complexes, avec des racines carrées. 

Arrive le pro-gymnase, de la 7ème à la 9ème année. L'adolescence.

À ce moment là, mon décalage s’est sérieusement accentué. Les filles ont commencé à s’intéresser aux fringues, aux garçons, au maquillage, aux sorties. Je me souviens d’un moment de malaise un mercredi après-midi à la plage avec ma sœur et quelques camarades. Elles riaient, toutes excitées  en s'écriant : «il m’a regardée, il ma regardée !». Je me suis sentie désespérée, c’est là que j'ai pris conscience que j’étais… seule. Je ne leur ressemblais en rien... C'est ressorti, pour la petite histoire, lorsque j'ai demandé un témoignage à deux camarades de cette période, retrouvées sur Facebook. Je leur ai demandé si elles se souvenaient de moi adolescente. Une des deux, sachant pourquoi je demandais cela, m'a dit que ce diagnostic expliquerait bien des choses. 

À 18 ans, j’étais toujours très docile, acceptais encore que ma mère me refile ses vieux vêtements qu’elle ne pouvait plus mettre parce qu’elle avait pris du poids et hélas, j’avais la bonne taille. Elle a commencé lorsque j'en avais environ 14. Je vous laisse imaginer les rigolades. Ça aussi, c'est ressorti dans les témoignages.

Mon adolescence a donc été… l’enfer sur terre.

Au gymnase (donc lycée), j’étais dans l’angoisse perpétuelle de mes résultats, j’avais de grosses difficultés, larguée sur le plan organisationnel, certaines branches me demandant énormément de travail. J'étais dépassée, je manquais de temps. J’avais choisi une orientation classique (choisissant le grec ancien au lieu de l'anglais ou de l'italien) car quand j'avais eu à décider de mon orientation, j'avais d'excellents résultats en latin, français et d'allemand. Je ne me doutais pas que je rencontrais tant de problèmes plus tard. Opter pour le grec c'était rester en voix classique puisque pour aller en scientifique, il aurait fallu que je choisisse ou l'anglais ou l'italien..  Aussi, quand ma prof de maths m'a demandé, au début de mon gymnase : «mais qu'est-ce que vous foutez en littéraire, pourquoi vous n'êtes pas en scientifique ?», c'était en effet trop tard pour changer. J’ai plongé dans les matières littéraires. Les dissertations et explications de texte étaient un énorme souci pour moi en français et les épreuves de grammaire, où je pouvais même avoir un 6 de moyenne, ne suffisait pas pour compenser mes résultats lamentable en version (il faut dire que la moyenne des versions comptait double..). 

Je ne regrette pas d'avoir pris cette orientation surtout que j'ai quand même fini par avoir ma maturité. J'ai énormément appris et ça m'a donné une belle culture, une capacité de bien comprendre le langage, le charabia des médecins, neuropsychologie. D'ailleurs mon ophtalmologue m'a dit qu'avec moi, l'hermétisme médical ne fonctionne pas 😁

Je prends conscience qu'à ce moment là, mes difficultés et mon décalage avec mes condisciples provenait de ce que je n'avais pas encore acquis suffisamment de capacités d'abstraction, même si je raisonnais facilement dans les matières scientifiques. Ce n'est pas le même raisonnement. Dans ces domaines, il y a des règles, des principes à comprendre, à extrapoler et à appliquer. Généraliser mes connaissances dans ce domaine m'est facile. Plus tard étonnamment, un camarade de fac en psycho avait remarqué que je le faisais très bien au niveau conceptuel : il m'avait demandé de l'aider à préparer un examen dans une matière que je n'avais pas étudiée, sachant que j'allais sûrement pouvoir comprendre les principes de bases d'après mes connaissance dans des branches proches et m'avait demandé de lui rédiger des phrases clé avec des notions de proportionnel et inversement proportionnel. Ce fut un défi très amusant (je l'avais mis en garde, lui savait demandé s'il était vraiment sûr que c'était une bonne idée mais en fait ça avait très bien fonctionné à mon grand étonnement) ✌️

Cette aptitude n'est pas possible dans l'étude des langues, lorsqu'il s'agit de rédiger une dissertation ou une explication de texte. 

Pour en revenir au gymnase, je me rappellerai toujours d’«En attendant Godot», étudié au gymnase. Je n’y comprenais rien. Pour mon sujet de matu, j’avais choisi Balzac. Ma prof (qui m'intimidait) m’avait imposé «Peau de chagrin» alors que je me coltinais un pavé «Illusions perdues», en plus du «Père Goriot» et d'«Eugénie Grandet». Je ne pouvais pas le lire, j’ai tout tenté pour qu’elle me l'acheter la grappe avec ce bouquin, rien n'y a fait. Tout comme le fameux livre de Becket, sa lecture m’angoissait abominablement. Je prenais vraiment cette peau de de chagrin qui diminuait au premier degré, même si j'essayais de me demander ce que cela pourrait représenter. 

J'ai joué quitte ou double, c'est bien le cas de le dire, dans la préparation de mon oral de français. De toute façon je n'arrivais pas à tout préparer pour mes examens. J'ai fait l'impasse sur ce peau de chagrin. Coup de bol, je suis tombée sur Eugénie Granget. Ce jour d'oral, le 12 septembre 1985, un miracle est survenu. Ne me demandez pas ce qui s'est passé, comment j'ai fait, mais en pleine préparation de l'extrait que j'allais devoir commenter pour cet oral dans lequel j'attendais le pire, j'ai eu une illumination. Jamais auparavant j'avais si bien cerné un sujet : Le père d'Eugénie grelottait auprès du feu qui ne parvenait pas à le réchauffer, alors que l'or y parvenait. J'ai analysé tous les contrastes de ce texte et j'ai scotché ma prof qui m'a dit toute surprise et contente : «Denise, mais je suis de toute ouïe !». Elle m'a donné la moyenne. J'ai eu ma matu. 

Une anecdote lors de mon examen d'oral de latin révèle mon autisme dans toute sa splendeur. J'ai cru pendant tout l’examen, que mon prof était ravi : il me félicitait en souriant. J’ai compris en prenant connaissance de ma note qu'en fait c'était ironique. Il s'était moqué de moi durant tout l’oral ! J'en ai été très blessée. Eh oui, j’ai de la peine à savoir reconnaître les sarcasme et l’ironie, je l’ai appris à mes dépens. Je ne vois pas forcément lorsque la personne en face de moi plaisante, je réponds sérieusement. Ou alors je le vois, je veux entrer dedans, renchérir, mais ma prosodie ne l'indique pas suffisamment. Je m'attire un : «je plaisanteeeee !». «Euh... moi aussi !». 

Ensuite de quoi, je me suis étalée dans ma première formation universitaire, en orthophonie, qui a été suivie de l’une de me pires dépressions. J’ai ajouté une nouvelle problématique, la prise de poids sous antidépresseurs. Je n’ai jamais réussi à récupérer ma ligne, j’étais mince avant et ceci sans effort. Depuis mes 22 ans, je suis en yoyo perpétuel. 

En quittant le milieu familial, devant travailler pour financer mes études de psycho à Genève, j’ai commencé à prendre de la bouteille. Mise par hasard en duo avec un camarade suisse alémanique par un prof en TP parce que nous étions absents tous les deux le premier jour, nous avons démarré une longue amitié et décidé de faire ensemble tous les mémoires qu’il était possible de faire à deux, nous étions super complémentaires. Ce fut une belle amitié, des fou-rires partagés lors de nos nuits à travailler à la rédaction de nos mémoires, une rare amitié de 20 ans, mais hélas, il ne m’a plus répondu et je n’ai jamais compris pourquoi. Il est devenu Professeur ordinaire à l'Université de Genève. Je ne sais pas si j’ai fait un faux pas social… j'en suis assez désappointée. 

Il me trouvait très douée pour la recherche, me voyant m'y épanouir et me félicitait fréquemment. Il a affirmé plus tard, lorsque le diagnostic de haut potentiel a été posé, quand j’avais 42 ans, qu’il avait été le premier à m’avoir dit que j'étais surdouée (pour reperdre ses mots). C'est pour lui que j'ai fait une préparation inédite d'examen dans une domaine que je n'avais jamais étudié. À force d’encouragements, de félicitations sur ma plume qui s’est affinée à cette époque, j’ai amélioré ma pensée métaphorique, développé plus d'habilités dans la compréhension du deuxième degré (cela dit je me fais encore fréquemment avoir en prenant, dans un premier élan, ce que je lis ou entends au sens littéral, ne détecte pas franchement les sarcasme. C’est quand ce que je comprends est dénué de sens, ou que je ne trouve pas une blague drôle alors que manifestement je suis la seule à ne pas rire que je cherche ce qui m’a échappé). J’ai commencé à développer ma créativité, prendre de l’assurance, recevoir des compliments de plusieurs personnes sur mes idées originales, ma capacité à rebondir devant une difficulté... et peu à peu, je suis devenue l'adulte que je suis aujourd'hui. 

Les années post-diplôme ont été très difficiles. J’étais rejetée dans ma place de stage, super mal à l’aise. Je ne vous parlerai même pas des festivités dans l'établissement où j'étais supposé causer à bâtons rompus.. debout qui plus est, avec de parfaits inconnus. 

Je m’arrête plus ou moins à mes 33 ans, il y aurait encore fort à dire, mais je n’aurai pas le temps. 

Je glisse juste trois commentaires : 

1° comme nous sommes en Suisse, je voulais vous informer qu’avec plusieurs aspies, nous avons créé une association en Suisse romande. L’assemblée constituante a eu lieu le 18 avril 2018. 


Nous nous appelons l’acube au sens de A puissance 3 (je ne suis manifestement pas la seule matheuse parmi les co-fondateurs puisque cela ne vient pas de moi :-) A puissance 3 pour  «Association d’Autistes Autonomes» ou «Association d’Adultes Asperger». Nous sommes une association faite par et pour adultes autistes. Nous avons pou but de favoriser et de soutenir les projets initiés par des adultes avec autisme. En bon a-cubistes, nous avons 3 co-présidents : L'Acube (cliquer).

2° De là découle la deuxième chose que je voulais dire : il y a un projet que je rêve de réaliser et il semble que je sois pas la seule. Yuka a tellement changé ma vie, me permettant de faire autre chose que passe mes journées derrière l’ordinateur, simplifiant mes contacts sociaux, elle brise la glace, que j’ai réalisé que si j’avais eu la chance d’avoir un chien d’assistance, à l’adolescence qui vienne en classe avec moi, comme cela se fait au Québec, un peu en France, cela aurait pu changer le cours de mon existence. Je rêve de créer une école qui forme des chiens d’assistance pour adolescents et adultes autistes (cela existe pour les enfants en bas âge, j’ai d’ailleurs ouvert mon blog à ce sujet). Il se trouve qu’un de nos co-présidents est éducateur canin et d’agility et il aimerait discuter de tout ça avec moi, car il eu la même idée que moi, et d’ailleurs nous avons eu la même idée sur la race de chiens à privilégier.  

3° Je suis tellement mordue par ce qui a trait aux chiens-guides, au chiens d’assistance, et bien en général (je n’y connaissais rien avant Yuka) j’ai également deux minettes qui ont des noms de Muse (Euterpe et Uranie), of course, que j'ai développé un nouvel intérêt spécifiques : l’alimentations pour chiens et chats. Je veux le meilleur pour mes boules de poils. 


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